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Courrier International: Léopold II, Roi des Belges trafiquait les tableaux !

Publié le par afriqueflashinfo.over-blog.net

Léopold II (1835-1909).Le roi des Belges aurait sciemment vendu aux musées des copies de toiles de maître

Le roi des Belges aurait sciemment vendu aux musées des copies de toiles de maître.

 

La Conférence de Berlin qui débuta le 15 novembre 1884 à Berlin et finit le 26 février 1885. À l'initiative de Bismarck, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la Suède-Norvège et la Turquie ainsi que les États-Unis y participèrent. On savait lors de la conférence de Berlin en 1885, Léopold II avait réussi à convaincre les 14 nations puissantes à l'époque de lui laisser le Congo qui ne valait pas un penny. Il fit financer les premières expéditions au Congo par les Américains et les Anglais.

Le caoutchouc rouge de Léopold II au Congo aura coûté un génocide de 10 millions de Congolais sans oublier, les amputés. Dans une enquête du Courrier International N° 1015 du 15 au 21 avril 2010, on apprend que Léopold II, roi des belges trafiquait les tableaux.

 

Quand Genièveve Tellier, 54 ans, sollicite, en 2006, une aide de la Belgian American Educationnal Foundation pour financer sa thèse de doctorat, il n'est alors question ni de Léopold II, ni même de la Belgique. Son sujet de prédilection, c'est le marché de l'art américain à la veille de la Grande Guerre, cette période épique où des objets anciens européens traversaient par milliers l'océan pour satisfaire l'appétit d'industriels et de financiers millionnaires en mal d'antiquités. bourse en poche, en route pour le Métropolitan Museum of Art de New York !

Geneviève Tellier sait qu'elle y trouvera le fichier d'inventaire du marchand parisien Michel Kleinberger, l'un des principaux " passeurs" en Amérique de toiles hollandaises et flamandes du XVIIe siècle.

Premier étonnement: ce négociant a été chargé de dénicher des acquéreurs pour une trentaine de tableaux appartenant à Léopold II, deuxième roi des Belges.

 

L'étude de la correspondance des jumeaux Goffinet, les hommes de confiance de roi, montrera ensuite à la chercheuse, de retour à Bruxelles, que le souverain a littéralement " fait le forcing" pour écouler ces peintures. mais c'est de la confrontation de diverses archives que surgit réellement la surprise: l'une des œuvres en question, le Portrait de Duquesnoy, d'Antoon van Dyck (1599-1641), apparaît vendue deux fois !

Manifestement, il y a une toile en trop. Forcément, l'une des deux est la copie de l'autre...

S'ensuit une investigation minutieuse, qui conduit Genévieve Tellier sur la piste d'un nombre incalculable d'inventaires, estimations, correspondances, factures, catalogues, biographies, photographies, dossiers de marchands, articles de presse et archives royales.

 

En chemin, ce sont surtout des embûches que rencontre la doctorante, découvrant les fortes réticences des uns et des autres à vouloir éclaircir cette vente douteuse. Loi du silence, rétention d'informations, embarras généralisé

Au bout du compte, rien n'y fait: les présomptions de culpabilité semblent peser lourdement sur le roi Léopold II.

Sans apporter toutefois la preuve ultime de ce qu'elle avance, Geneviève Tellier en reste aujourd'hui convaincue:Le Portrait de Duquesnoyaccroché aux cimaises des Musées royaux des beaux-arts ne serait qu'un faux vendu sciemment par un monarque, Léopold II à son peuple...

 

Ce dossier à charge est la thèse, à peine remaniée pour le grand public, que l'auteur a défendue en 2009, devant un jury de professeurs de l'université libre de Bruxelles, de l'université Columbia de New York et de l'université Rome-3. Sobrement intituléLéopold II et le marché de l'art américain. histoire d'une vente singulière (éd. le Cri, 2010), c'est aussi formidable et (authentique !) art and research thriller comme en raffolent les Américains.

 

Portrait de Duquesnoy, de van Dyck. Cette oeuvre majeure, présentée par les Musées royaux des beaux -arts à Bruxelles, pourrait bien être un faux, selon Geneviève Tellier.

 

Dans votre livre, vous expliquez comme ce roi, rendu furax par l'Etat belge qui l'empêche de régler sa succession à sa guise, décide de céder tous ses objets au plus offrant...


Geneviève Tellier:

C'est exact. Léopold II est un homme autoritaire, qui préfère encourir une condamnation générale que de s'incliner devant le code civil. En 1909, par bravade, il procède à un grand déstockage de sa maison. Il vend des meubles, des bronzes, des bijoux, des potiches, de la vaisselle, de l'argenterie, des tapisseries, des antiquités égyptiennes...On n'en connaitra sans doute jamais le détail. Mais il liquide surtout une quarantaine de toiles de maître et quelque 200 tableaux modernes.

 

Des œuvres majeures ?


Geneviève Tellier: Loin s'en faut. Néanmoins, il y a là une douzaine de peintures hollandaises du XVIIe siècle et autant de flamandes. On y trouve un Rembrandt, trois esquisses de Rubens, un Steen, deux Dirk ou Frans Hals, un Hobbema et enfin un van Dyck, la seule pièce qui sorte du lot. Ce Portrait de Duquesnoy,le public d'alors le connait bien: ce sculpteur flamand peint par un artiste flamand a été encensé tout au long du XIXe siècle par une abondante littérature, qui y voit l'expression parfaite de notre âme nationale.

 

Et c'est là que votre thèse devient explosive: vous affirmez que ce Portrait de Duquesnoy, que le roi Léopold II vend en 1909 au musée de la Peinture et de la Sculpture de Belgique (l'ancêtre des Musées royaux des beaux-arts), n'est qu'une excellente copie réalisée après l'incendie du château de Laeken, en 1890...


Geneviève Tellier: Oui, parce qu'on constate alors, sur le marché, la présence concomitante de deux toiles quasi identiques, aux dimensions légèrement différentes. L'une est vendue au musée que bruxellois le 25 mai 1909. l'autre se trouve, le 1er juin, aux mains de Kleinberger, le marchand d'art parisien que Léopold II a commissionné pour écouler plusieurs de ses tableaux aux Etats-Unis. Je prétends que Van Dyck original est parti outre-Atlantique et que le musée a hérité de la copie...

 

Oups ! Mais qu'est-ce qui est le plus scandaleux: qu'un monarque vende un faux tableau ou qu'un musée l'expose ?


Geneviève Tellier: A son époque, Léopold II n'est pas le seul à vouloir réaliser de bonnes affaires aux Etats-Unis. Ils sont des cohortes, en Europe, à répondre à l'attirance irrépressible des Américains pour les Old masters. on tente même de leur fourguer des croûtes ( et on s'en vante), parce qu'ils achètent " au mètre ruban", et sans compter. A New York, les armateurs les plus fortunés sont prêts à débourser l'équivalent de plusieurs châteaux pour un mètre carré de toile ancienne...Maintenant, si le roi a sciemment vendu deux tableaux semblables, un vrai et un faux, il a définitivement rejoint le cercle des marchands véreux...Mais ce n'est pas le plus gênant.

 

Difficile d'admettre qu'un de nos rois a gagné de l'argent facile en refilant un faux à un musée national !


Geneviève Tellier:Bien sûr ! Mais le plus grave, c'est que ce musée, institution publique et scientifique, m'a opposé dès le départ une fin de non-recevoir, ignorant même mon indice majeur, celui des dommages causés par le feu à la toile. J'ai tout vu dans cette affaire: mauvaise foi, railleries, allégations mensongères. Et quantité de barrages m'empêchant d'accéder aux sources, uniquement pour des raisons économiques, politiques, académiques et de prestige !

 

A tel point que votre entourage vous a enjoint de laisser tomber...


Ma fille craignait que je devienne la risée du monde entier ! Elle a été terrassée quand le directeur des Musées royaux des beaux-arts a demandé à mon encontre la tenue d'une commission disciplinaire dans mon université... où il est professeur. j'ai dû changer de directeur de thèse. Chaque fois, je me suis trouvée face à des potentats vexés.

 

Mais pourquoi ?


Geneviève Tellier: Parce que je casse la belle mécanique du marché de l'art ! Dans ce milieu, personne n'a intérêt à dévoiler l'existence de faux. Quand au musée, il y perdrait sa réputation et "son" van Dyck, une pièce remarquable estimée aujourd'hui à 12 millions d'euros...

 

Cette recherche, qui n'a pas finie, vous a déjà menée aux quatre coins du monde...


A Berlin, Amsterdam, La Haye, Paris, Mulhouse, et évidemment à New York, Los Angeles, Philadelphie, Washington, Provo (dans l'Utah)...J'ai enquêté deux ans et demi aux Etats-Unis. Dans ce pays, où il n'est jamais trop tard pour réaliser son rêve, mon souhait de rédiger une thèse de doctorat à 50 ans suscitait plutôt la sympathie...!

 

Le palais royal fut-il aussi coopératif ?


Geneviève Tellier: Personne n'avait très envie d'entendre raconter l'histoire d'un roi excédé qui se venge en déstockant tous ses biens. On semblait un peu gêné...L'intendant de la liste civile m'a écrit un jour qu'il trouvait mon hypothèse "osée et interpellante" ! Le Palais a souvent fait la sourde oreille, jurant que les tableaux royaux ne portaient aucun sceau ou que telle liste ou inventaire n'existait pas. Puis quand, j'apportais la preuve du contraire, on faisait semblant de rien. Aujourd'hui, je me demande quelle masse de sources je n'ai pu voir et ne verrai sans doute jamais...

 

Vous avez quand même été invité au château (royal) de Ciergnon dans les Ardennes belges...


Geneviève Tellier: En effet. Je voulais examiner l'œuvre intitulé "Chaumière sous l'arbre". Executée en 1890 par le paysagiste anversois Lamorinière, c'est une belle copie du Hobbema abîmé dans l'incendie de Laeken. L'original, restauré sans doute par le m^me artiste, puis vendu par l'entremise de Kleinberger en 1909, se trouve aujourd'hui à la National Gallery of Art de Washington.

 

Cela signifie qu'il circule beaucoup de répliques d'une même oeuvre, y compris à Laeken, la résidence royale ?


Geneviève Tellier: Mais oui ! Au XIXe siècle, les nantis font volontiers reproduire leurs plus beaux tableaux. Cela permet de décorer plusieurs résidences et de satisfaire toutes les branches de la famille. La pratique est encore assez courante. Or, souvent, avec le temps, on ne sait plus très bien qui détient l'original. Et, comme chaque héritier prétend que c'est lui qui le possède, cela débouche, dans les inventaires, sur de grandes confusions entre pièces authentiques et copies...

 

Même les experts s'emmêlent les pinceaux ?


Geneviève Tellier: Je le répète: tout le monde (l'acheteur, le vendeur, le marchand, le musée) a intérêt à croire qu'il a devant lui une œuvre authentique. prenez le Steen qui vient de changer de mains chez Christie's (le 27 janvier 2010) et qui se trouvait également dans le lot liquidé par Léopold II. Il existe aujourd'hui au moins trois exemplaires presque identiques de ce tableau !Et le pedigree qu'en a donné Christie's mélangeait allégrement les provenances..

 

Revenons au van Dyck. Si le musée héberge réellement le faux, où se trouve aujourd'hui le vrai van Dyck ?


Geneviève Tellier: Le parcours de la toile est documenté jusqu'en 1929, lorsque le collectionneur new-yorkais Harold Pratt, qui l'a achetée à Kleinberger, la prête pour une exposition à Détroit. Après, selon le petit-fils Pratt, que j'ai contacté, elle aurait été cédée, en même temps que l'immeuble familial de Park Avenue, au début des années 1970.

 

Pas détruite, quand même ?


Geneviève Tellier: Qui sait ? La famille Pratt peut s'être débarrassée du tableau, pensant qu'elle ne possédait qu'une copie...puisqu'un musée belge affirmait avoir le véritable !

 

C'est une conclusion assez effroyable !


Geneviève Tellier: On peut en imaginer une autre, tout aussi plausible: par crainte d'en être dépossédés si la Belgique venait à leur réclamer cette œuvre nationale, les détenteurs américains actuels du  , prudents, préfèrent conserver la plus grande discrétion..

 

Freddy Mulongo

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